"Être dans le monde mais pas du monde"
I - Définition
L'expression "être dans le monde mais pas du monde" est assez connue dans le milieu de l'occultisme et de la spiritualité. Que signifie-t-elle ? Pour faire simple, ceci : vous vivez dans le monde, comme n'importe qui, au sein de la société, accomplissant vos devoirs, ceux d'un citoyen lambda, mais intérieurement vous ne vivez pas comme le fait la masse, dans l'état d'esprit qui est le sien, vous ne sombrez pas dans le matérialisme qui est le sien, vous vous élevez au-dessus de cela pour embrasser une vision spiritualiste du monde, faite à la fois d'une certaine éthique, de valeurs morales (amour, compassion, etc. pour votre prochain), mais aussi d'une discipline de vie qui se traduit par des actes concrets (méditation, yoga, prières, etc.) visant à vous développer sur le plan intérieur, spirituel. Autrement dit, côté matériel, vous donnez le minimum, le strict nécessaire de votre temps et de votre attention ; et le plus gros du temps et de l'attention qu'il vous reste, vous le réservez à votre épanouissement intérieur, à votre formation spirituelle. Le monde peut bien s'effondrer, tant que la spiritualité est là, tout va bien, si l'on peut dire. Vous n'êtes donc pas pris par la spirale du matérialisme, par l'appât du gain, par les charmes de l'ambition bassement matérielle, les trésors de la terre (monde matériel) ne vous intéressent pas, vous ne vous intéressez qu'aux trésors du ciel (monde métaphysique ou spirituel).
II - Des difficultés de la pratique
Quand on est un moine, pourrait-on se dire, tout est beaucoup plus facile. On n'est pas tenu de faire tout ce que le commun fait, on ne doit pas plonger si profondément que le commun dans la société, dans le matérialisme, pour pouvoir vivre sa vie et assurer sa subsistance, son minimum vital. On vit déjà à sa manière en retrait, à l'abri de bien des tentations et de bien des forces sociales qui nous entraînent dans leur folle spirale. Il faudrait sans doute demander à un moine ce qu'il en pense, qu'il puisse comparer sa vie d'avant et sa vie présente et nous dire s'il est oui ou non plus facile pour un moine que pour le commun de mettre en application la formule "être dans le monde mais pas du monde" ; il faudrait pour ce faire qu'il n'oublie pas que tout le monde ne peut pas devenir moine et qu'il faut bien trouver une solution pour cette majorité qui n'entrera pas dans les ordres mais qui peut aspirer elle aussi à davantage de spiritualité. Comment ferait-elle, cette majorité, pour mettre en application comme il se doit "être dans le monde mais pas du monde" ?
Qu'en pensent mes amis invisibles ? mes guides spirituels ? Posons-leur la question et laissons-les nous répondre :
Il n'est pas facile de répondre à cette question car les situations doivent être considérées au cas par cas. Une personne qui écrit et qui vit de l'écriture, peut être amenée, par exemple, à écrire des livres sur la spiritualité et, par ce biais, à vivre plus facilement que d'autres personnes la règle "être dans le monde mais pas du monde". Pour l'écrivain, en revanche, qui ne saurait écrire bien qu'en écrivant des scènes d'horreur ou des histoires qui font peur, comme Stephen King, étant incapable de se mouvoir avec la même aisance dans le genre spirituel, on serait confronté à un problème d'un autre ordre. Cette personne ne pourrait pas vivre de sa plume spirituelle, elle ne pourrait vivre que de sa plume matérielle, profane, et, pour ce faire, elle devrait en plus consacrer à son travail énormément de temps, plongeant qui plus est dans le matérialisme le plus abject qui est celui que dépeint Stephen King dans ses ouvrages qui font la part belle au crime et à la folie.
Je ne dis pas ici qu'un tel auteur devrait abandonner l'exercice de sa profession, puisque beaucoup naissent pour faire ceci ou cela de leur vie, c'est une vocation chez eux, comme un individu peut être porté vers la vie monastique. Le karma ne règle pas juste les questions des bonnes et des mauvaises actions par la récompense et la punition, il modèle aussi l'existence que mènent les gens, les choix de carrière qui leur conviennent le mieux, etc. Nous devons donc tenir compte de cela pour déterminer l'action la meilleure à entreprendre dans tels et tels cas.
Un Stephen King ne pourrait pas renoncer à sa plume matérielle pour une plume spirituelle. Et s'il était porté, au-dedans de lui-même, à la vie spirituelle, en plus de sa vie matérielle qui est telle qu'elle est, que devrait-il faire ? C'est à peu de chose près la question que la plupart des gens (le commun) peuvent se poser dans la situation qui est la leur quand ils considèrent la formule "être dans le monde mais pas du monde". Ils se disent qu'il est facile d'être dans le monde puisqu'ils n'ont aucun effort à fournir pour ce faire, mais que pour la seconde proposition de la formule "ne pas être du monde", les choses se compliquent quelque peu quand, pour assurer leur subsistance, le minimum vital, il est nécessaire - incontournable - pour eux de plonger dans les sables mouvants de la vie mondaine, dans la boue de la matérialité telle qu'elle se présente à soi quand on vit dans une société profondément matérialiste. Comment faire pour lier les deux, le matériel et le spirituel ? Ou comment faire pour "être dans le monde mais pas du monde" ? C'est très difficile quand pour pouvoir assurer votre minimum vital vous êtes obligé d'"être du monde", ne serait-ce que durant vos heures de travail, ce qui vous pousse à plonger en conscience dans le monde matériel, dans le matérialisme le plus grossier.
Pour une telle personne, un tel aspirant, il faut je crois faire deux choses :
- THEORIE : étudier la spiritualité ;
- PRATIQUE : pratiquer cette spiritualité, autant qu'on le peut.
L'étude de la spiritualité se fait via ses lectures ou en assistant à des conférences, ou en regardant des vidéos sur le sujet, etc. La personne peut aussi être accompagnée dans cet exercice par un professeur. Et elle peut évidemment se servir de sa petite tête pour percer quantité de mystères. Le Bouddha lui-même ne s'est pas appuyé que sur les autres pour pouvoir avancer dans sa compréhension des choses, il s'est servi de sa tête, de son expérience personnelle, de son propre vécu à la fois matériel et spirituel - de là il a tiré maintes de ses conclusions. La personne lambda peut faire de même. Avoir une tête bien remplie des choses de la spiritualité peut faire office d'un bon départ, même si maints enseignants spirituels vous inviteraient plutôt à vous débarrasser de tout ce que vous savez, à faire le vide dans votre tête, pour y trouver la sérénité, la paix du cœur et de l'esprit qui seule peut être considérée comme la vraie voie, le vrai chemin. "Avoir la tête bien remplie des choses de la spiritualité" vous permet ensuite de choisir ce qui, selon vous, est la meilleure voie, tandis que lorsque vous ne savez rien de la spiritualité vous pouvez avoir du mal à choisir, à vous fixer un cap, à avancer dans une quelconque direction. C'est pourquoi je fais de cela l'étape numéro 1. Dans votre société, vous avez accès à des tas d'enseignements, des tas de livres, des tas d'articles, des tas de vidéos... Vous pouvez donc apprendre des tas de choses, et, par ce biais, essayer de comprendre ce qui a le plus d'importance à vos yeux. Je parle évidemment des questions de nature existentielle.
Lorsque vous faites cela, vous ne quittez pas ce monde matériel, vous ne cessez pas non plus d'être "du monde", mais vous accordez au moins à l'étude - théorique - spirituelle un peu ou beaucoup de votre temps, votre mental s'enrichit de pensées nouvelles, de pensées spirituelles, vous faites entrer dans le champ de votre conscience, de vos considérations, des éléments appartenant au monde spirituel. Vous êtes donc en train d'imprégner votre vie matérielle ou ordinaire de cette spiritualité que vous allez chercher dans l'étude théorique. Cela ne fait pas tout, mais vous en conviendrez : c'est déjà beaucoup, c'est déjà un bon début. C'est donc cela qu'il faut faire en premier lieu. Vous vous intéressez à un sujet (la spiritualité), étudiez-le.
Pour ce qui est de la pratique, là encore on ne peut pas dire des généralités sans confronter les lecteurs aux problèmes particuliers auxquels ils font face. Et le premier de ces problèmes particuliers a trait à la nature de l'étudiant qui fait qu'il sera plus enclin à suivre telle ou telle voie plutôt que telle ou telle autre voie. Il y a des gens qui sont plus à l'aise avec la prière qu'avec la méditation, d'autres qui sont plus à l'aise avec le service rendu à l'humanité, d'autres qui sont plus à leur aise dans la magie rituelle, dans le spiritisme, ou avec telle ou telle religion. On ne peut donc pas décréter que tous les humains devraient suivre telle ou telle voie pour arriver à telle ou telle fin. Il faut s'adapter à chacun, tenir compte des différences entre les individus, de leurs besoins, de leur situation personnelle, etc. C'est pourquoi traditionnellement le bouddhisme exhorte les aspirants à se mettre en relation avec un instructeur qui saura idéalement adapter son enseignement à l'élève. Mais cela aussi peut être écarté, il est très souvent possible de s'instruire et de progresser dans la pratique sans avoir à se lier à un quelconque maître, professeur, gourou ou instructeur spirituel en chair et en os. Là encore, cela dépend des gens et des besoins de chacun.
Néanmoins, comme on ne peut tenir compte ici du cas par cas, des besoins individuels, puisqu'on s'adresse à un public large, il faut faire des généralités. Disons alors que l'aspirant trouvera toujours ça et là quelque chose à pratiquer. À chaque fois qu'il se trouve en présence d'un enseignement spirituel ou d'un groupe de doctrines spirituelles, il est en mesure d'en faire quelque chose sur le plan pratique. S'il entend parler des prières, il peut lui-même prier. S'il entend parler de rituels, il peut lui-même s'adonner à des rituels. S'il entend parler de tels ou tels exercices de concentration, il peut lui-même s'y livrer. S'il entend dire qu'une bonne personne, sur le chemin de la spiritualité, est nécessairement une personne qui fait un travail sur elle-même afin de devenir meilleure, se débarrassant de ses défauts et fournissant des efforts pour développer certaines qualités qu'elle n'a pas encore, il peut lui-même suivre ce chemin. Les pratiques abondent autant - si l'on peut dire - que les théories. Et chacun peut en cueillir des tas un peu partout. Toutes les religions incitent leurs ouailles à pratiquer ceci ou cela. Toutes les spiritualités font de même. Tous les occultismes. Dans le lot, chacun trouvera bien ce qu'il lui faut. Et c'est ainsi que l'on doit procéder pour commencer : trouver un quelque chose à faire sur le plan concret, sur le plan de la pratique. Nul n'est obligé de "tout faire", chacun peu faire un peu pour débuter. Et ce n'est qu'au fil du temps que sa pratique s'enrichit de telle ou telle manière : en se précisant (l'individu sait que ceci lui convient mieux que cela ; ou il connaît mieux l'impact de tels et tels exercices, il les choisit donc à dessein, délibérément, sagement) ou en la complétant par de nouvelles pratiques (il ajoute tel exercice à sa pratique, puis tel autre, etc.).
Le praticien, au fil de sa pratique, comprend généralement mieux les choses et devient pour lui-même un guide, un gourou, un professeur, dans une certaine mesure. Il ne peut peut-être pas tout deviner lui-même, il peut encore avoir besoin des lumières des autres pour avancer, mais la pratique lui confère tout de même cet avantage qui fait qu'il parvient ça et là à mieux comprendre les choses, de lui-même, ce qui fait de lui une sorte d'élève qui dans bien des cas se dirige lui-même.
Ainsi la personne qui est dans le monde et du monde ne quitte pas cette société en pratiquant, mais pénètre dans le monde spirituel le temps de sa pratique, ce qui n'est pas rien. Si cette pratique ne dure que quelques minutes par jour, disons 10 à 20 minutes, c'est déjà 10 à 20 minutes passées dans le monde de la spiritualité pratique, c'est déjà un petit pas vers la vie spirituelle, c'est déjà l'introduction dans sa vie d'éléments nouveaux, spirituels, métaphysiques, qui, avec les années, peuvent l'inciter à y consacrer davantage de temps et de moyens.
On n'avancera pas beaucoup en la matière en brusquant les gens, en les poussant à pratiquer plus qu'ils ne sont en mesure de le faire. Chacun doit avancer à son rythme. Les débutants sont souvent très enthousiastes, disposés à faire beaucoup, car tout les fascine. Mais avec le temps, quand les choses du monde spirituel deviennent des choses banales ou normales à leurs yeux, l'enthousiasme pour la pratique peut faire défaut, aller en déclinant. Tout cela doit être connu et la personne avisée saura ajuster au mieux ses efforts dans telle ou telle direction pour poursuivre sa pratique dans les meilleures conditions.
Ce n'est qu'en débutant au pied de l'escalier qu'on peut espérer en atteindre un jour le sommet. Il n'est donc pas exigé du débutant, du novice, qu'il se donne à fond tout de suite à tout ce qui, dans la pratique, est capable d'élever son âme vers le faîte du développement personnel, de l'épanouissement intérieur, l'aspirant est juste convié à la pratique qui lui sied le mieux, à telle pratique qui est capable de répondre au mieux à ses besoins du moment. Ce c'est que par la suite qu'on peut l'amener à franchir de nouvelles étapes, à pénétrer plus en profondeur la pratique, à l'étendre dans sa vie de tous les jours. Et, inévitablement, viendra un jour - dans cette vie ou dans une autre - où cet aspirant se sentira si concerné par les théories et les pratiques de la religion, de la spiritualité, de l'occultisme, de la métaphysique... qu'il souhaitera de tout son cœur, de toute son âme, y consacrer davantage de temps, davantage de sa personne, voire sa vie entière. Il se sera alors détaché du matériel au profit du spirituel, il aura vaincu en lui le matérialisme par le spiritualisme, il continuera d'être dans le monde, mais ne sera plus du monde, au sens strict du terme.
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